La suite du projet à découvrir ici.

Depuis mon plus jeune âge, le principe d’utilité à régi l’ensemble de mes projets. J’ai choisi de me spécialiser en littérature française parce que la communication claire, la capacité à exprimer sa pensée, étaient pour moi les fondamentaux de toute activité, de toute entreprise valable. 

Burkina Faso

À 18 ans, après un premier voyage au Burkina Faso, je me suis engagée avec d’autres jeunes Français et Burkinabés à travers la création d’associations jumelles AJS France et AJS Burkina dont la première recrutait des volontaires pour mener à bien les projets proposés par la seconde. À travers ces structures nous sommes non seulement intervenus par des missions ponctuelles (soutien scolaire, réaménagement de locaux d’enseignants, appui sanitaire) mais aussi nous avons bâti concrètement les bases de projets durables (ouverture d’une bibliothèque, salle informatique, construction de forages…). L’association a continué après notre départ via de nouveaux volontaires qui ont insufflé leur dynamique.

Une année universitaire au Sénégal, a confirmé mon intérêt pour les littératures francophones et m’a conduite au Canada où j’ai commencé une thèse de doctorat en co-tutelle sur les littératures francophones algérienne et sénégalaise. Le Québec, spécialiste de la francophonie, m’a aussi permis de découvrir l’univers des cafés culturels qui fonctionnaient comme appendice de la vie sociale montréalaise. J’ai été séduite par ces lieux périphériques et citoyens qui permettaient à chacun de s’investir collectivement sur des projets concrets.

L’Antre-Autre
À mon retour en France je n’ai pas hésité, lorsqu’on m’a présenté un local dégradé en vente dans le premier arrondissement de Lyon, arrondissement vivier de la culture lyonnaise. Après avoir monté un projet adéquat, m’être entouré d’une équipe de valeur, j’ai pu mobiliser les banques et j’ai contracté des emprunts qui m’ont permis d’ouvrir l’antre-autre en novembre 2007. Le chantier d’agencement du lieu a presque duré un an, il a mobilisé de nombreux corps de métier d’artisans. Il avait fallu dessiner les plans, inventer la décoration, coordonner les équipes, réagir aux imprévus pour permettre l’émergence d’un endroit cosy capable d’accueillir le projet culturel et social que je comptais mener.

Pendant près de 10 ans, l’antre-autre s’est tenu sur les pentes de la Croix-Rousse, regroupant un public toutes générations, toutes origines, toutes appartenances sociales confondues autour de thématiques et de manifestations extrêmement diverses. Je servais par ailleurs de la petite restauration maison à toute heure que je concoctais avec mon équipe.

Mais à mesure que les années passaient l’antre-autre ne me permettait pas d’exprimer la gamme des possibles que j’entrevoyais à travers les réalisations déjà accomplies.

J’avais besoin pour la suite d’un endroit inspirant avec une approche qui mettrait plus que jamais la lumière sur le quotidien, tous les gestes simples en contact avec la nature, les animaux et les valeurs de la famille.

Les voyages et les rencontres
Pendant toute la durée de l’antre autre, j’ai eu l’opportunité d’effectuer de nombreux voyages en France et dans le monde à la fois grâce aux activités culturelles que je menais (meet’up artilinki à San Francisco et à Dakar) mais aussi en quête de trouver un endroit approprié à la suite (Istanbul, New York, Copenhague, chemin de saint Jacques de Compostelle…).

La fermeture de l’antre-autre a coïncidé avec le moment où j’ai découvert la terre de mon futur projet et je n’ai pas cessé depuis de travailler à sa réalisation. Elle est la continuité, l’aboutissement de tous les voyages, de toutes les expériences, de toutes les rencontres passées.

Parallèlement à ce nouveau projet, j’ai eu l’opportunité de travailler aux admissions dans une maison de retraite spécialisée dans la maladie d’Alzheimer et les maladies dégénératives. Ce lien direct avec la mort, la maladie, la famille relevait d’autant plus ma quête d’essentiel et m’a permis de réaliser un moyen métrage sur la prise en charge exceptionnelle de ces résidents et l’approche thérapeutique de ces maladies. Les activités intergenerationnelles mises en place, la rencontre de soignants dévoués et avertis ont confirmé mon engagement vers la suite de mon projet.

Tombouctou héritage
Sa base est au Mali, pays que j’ai traversé en 2013, dans un moment politique extrêmement troublé, touchée par le courage d’une population envahie par des étrangers, qui avaient usurpé leurs valeurs pour les massacrer. Un pays qui abrite Tombouctou, cette ville joyau du monde, cœur de médecines et de sciences, attaquée par l’obscurantisme le plus violent.

À l’heure où toutes les sociétés recherchent des modes de vie adaptés à l’environnement et qui donnent du sens à l’existence, Tombouctou faisait figure de modèle. Le parachèvement des sciences ésotériques et exotériques qui y étaient enseignées, les bibliothèques colossales sur tous les sujets (agronomie, élevage, précis de médecine, de pharmacopée, de grammaire, de mathématiques, d’éducation relationnelle…) auxquelles on pouvait avoir accès regroupaient tout ce que les gouvernements les plus éclairés de notre époque veulent mettre en pratique pour un développement social, économique et environnemental harmonieux. La gratitude, la reconnaissance étaient le socle, par ailleurs, de toute action entreprise ; cette attitude face au quotidien était les garanties du soin apporté à la vie dans toute sa splendeur ( hommes, femmes, enfants, animaux, végétaux).

Pour le Mali et pour de nombreuses personnes dans le monde Tombouctou reste le symbole d’une réponse pacifique face à la terreur, à l’instar de l’attitude de différents hommes saints africains qui, bien avant Gandhi, avaient décolonisé leur pays en prônant la non-violence. Pourtant cette attitude pacifique était loin d’être un renoncement, elle était ancrée dans la foi en leurs propres racines et ressources face aux pressions des colons. Deux figures saintes illustrent bien les valeurs et comportements de ces hommes face aux violences, il s agit du Cheikh Amadou Bamba au Sénégal et du Cheikh Hammallah au Mali pour n’en citer que 2.

Inspirée par ses mouvements pacifiques et travailleurs qui ne se laissaient pas impressionner par les vicissitudes de ce monde, j’ai décidé de créer au Mali un projet solidaire réunissant des compétences diverses pour le bien être collectif et dans la pérennité de la tradition de Tombouctou.

Le Mali, tel un phœnix, reprend des forces et renaît de ses cendres. Pourtant c’est un pays blessé, toujours en conflit au nord et soumis à une vaste émigration des jeunes populations qui se sentent bien souvent plus concernées par un mode de vie occidental que par la valorisation de leur propre environnement, même si l arrivée en Europe est souvent source de désillusions.

Depuis trois ans maintenant, j’initie différents projets sur place dont le premier volet sera l’ouverture d’une ferme pédagogique avec agriculture raisonnée et élevage et la consécration une école, un centre de formation aux métiers manuels et un dispensaire.

Les populations locales sont en demande de formations simples aux énergies renouvelables qui vont avec les moyens de conservation des aliments, notamment de la viande et du poisson, essentiels à la santé élémentaire de chacun. En outre certaines techniques d’agriculture traditionnelles et modernes qui permettent, couplées, la rencontre des animaux et des végétaux dans de bonnes conditions méritent d’être explorées.

Mélanger les compétences au service d’actions concrètes, pour valoriser un patrimoine culturel existant et édifier les bases solides de partenariats dans le temps, voilà le défi du projet qui se veut croisement de cultures, de générations, d’origines.

La maison Tombouctou
Il a fallu d’abord construire une maison susceptible de recevoir les équipes motivées. Très concrètement l’achat d’un terrain en 2016 en a été le prélude. Dessiner des plans en équipe, trouver un chef de chantier pour les réaliser et porteur de la dynamique et des valeurs du projet en notre absence étaient des fondamentaux. Les plans et les matériaux choisis étaient parfois aux antipodes de ce qui se faisait sur place et de fortes négociations avec les artisans étaient nécessaires pour que le bâtiment voit le jour.

Les fonds mis à disposition par la vente de l’antre-autre ont permis de salarier des travailleurs motivés et de réaliser la totalité du chantier.

À 13 kilomètres de Bamako dans la région de Kouloukoro se dresse aujourd’hui la maison sur un terrain de 600 m² composée d’un vaste jardin et d’un bâtiment avec 5 chambres indépendantes avec sanitaires intégrés et deux salles communes ainsi qu’une cuisine extérieure indépendante. Tout le système électrique a été mis en place grâce a des panneaux solaires, et l’alimentation en eau se fait grâce à un forage installé en extérieur de façon à ce que les populations alentours puissent venir se servir gratuitement. Cet espace fontaine est sur la parcelle elle-même et permet aux personnes qui viennent de se servir en eau et de s’abriter de la rue et du passage pour prendre ce dont ils ont besoin.

La maison est totalement indépendante en électricité est en eau. À 1 km du fleuve Niger le sol donne toute latitude aux cultures de tout type. La rencontre avec un ingénieur agronome local formé en Russie et en France par Pierre Rabbi, entre autres, Oumar Diabaté, qui a lui même réussi un beau projet de ferme sur place nous fait envisager tous les possibles pour la suite.

Les équipes locales qui ont eu le loisir de travailler à l’édification de la maison sont extrêmement motivées par la suite du projet.

Une ferme pédagogique

Une ferme pédagogique c’est-à-dire un lieu qui permettra l’agriculture et l’élevage tout en favorisant l’apprentissage et la transmission de ces métiers sera au cœur du premier volet de réalisation.

On a vu en France que la dévalorisation du monde paysan et son extinction ont conduit à des cultures et des élevages de masse qui ont des incidences catastrophiques sur les animaux, les végétaux, et les humains. Des nouvelles maladies apparaissent chez les animaux qui sont transmises aux humains, des conditions abominables d’abattage des animaux domestiques, les malformations liées à l’utilisation intensive de pesticides, tout cela amène les sociétés modernes à puiser dans leur passé les modèles de réorientation de l’agriculture et de l’élevage.

Des sociétés basées sur la rapidité et la performance ont permis de gagner du temps, temps investi dans des activités de plus en plus éloignées de la réalité. Aujourd’hui en occident, le mal être lié à ces modes de vie a donné naissance à de nouvelles maladies psychiques et mentales.

Le retour a des métiers concrets et des activités en lien avec la Terre est de plus en plus prégnant avec l’émergence de nouveaux modèles d’agriculture qu’on appelle souvent agriculture raisonnée et mêlant savoir-faire traditionnels et contingences climatiques actuelles.

C’est sur ces bases que nous avons décidé de monter le premier volet de Tombouctou héritage.

Voici la maison Tombouctou :